La botte secrète
de Dom Juan

La Botte Secrète de Dom Juan

Léonard, endormi. Trois ombres fondent sur lui et sortent leurs épées, il bondit sur son lit, il plaisante, il les nargue

Ah ? très bien, je comprends, vous l'’prenez sur ce ton vous préférez passer les présentations et entrer tout de suite dans le vif du sujet. un doute affreux me vient . . . serais-je le sujet ?

Puis il bondit encore, par dessus leurs épées, il menace, il esquive et désarme !e premier. Et voici Léonard, au rythme de l'’alexandrin et de combats époustouflants, plongé dans une comédie épique qui, sous son apparente légèreté, attaque de taille et d'estoc tous les schémas formels préconçus, bousculant l'’alexandrin, tailladant !a forme théâtrale, écorchant la résignation sociale et tranchant dans le vif des relations hommes-femmes ... c'est Dom Juan tout de même !

La Pièce

La Botte Secrète de Dom Juan est une épopée de capes et d'épées, avec des bottes secrètes et sans Dom Juan. C'est une pièce sur l'exigence, tout en alexandrins (c'était la moindre des choses), légère, bondissante, parsemée de mots brillants et de combats époustouflants - c'est Fanfan la Tulipe, diront certains. L'intrigue est passionnante : un héros particulièrement héroïque tombe amoureux d’une héroïne particulièrement pure mais un méchant particulièrement méchant n'est pas content du tout. Nous suivons donc les aventures de Léonard, maniant le verbe et l'épée avec fougue et dextérité - c'est Cyrano diront d'autres - qui, accompagné de Léonie, son bouillonnant alter ego féminin, cherche à découvrir qui sont ces trois hommes qui ont tenté de l'assassiner dans son lit ce matin. Mais ils devront faire face à la fourberie de Tancrède de Mondragon, à l'exigence de Florence de Forienne et à d'autres trublions plus surprenants, puisqu'au milieu de cette épopée en costumes et en vers, nos héros se retrouvent aux prises avec des figurants réclamant de meilleures conditions de travail, des héroïnes féministes, ou même un spectateur tombé amoureux de la jeune première et qui, malgré l'obstacle de l'alexandrin, est tout de même monté sur scène pour lui déclarer sa flamme - c'est n'importe quoi, continuera la critique. Bref, un jeu de rupture constant entre classique et contemporain, une écriture qui mêle les règles de l'alexandrin et le langage le plus quotidien, des situations épiques qui terminent en revendications sociales, tel ce dialogue entre Léonie et Léonard, qui vient, au terme d'un combat acharné, de transpercer un spadassin :

- J'te trouve un peu sadique avec les figurants - Ca permet d’limiter le nombr' d'intermittents...

En dehors d'une botte secrète qu'il aurait léguée, il ne reste donc pas grand chose de Dom Juan mais Léonard est une réponse à Dom juan. Séducteur, certes, mais sincère, honnête et droit avec chacune des femmes dont il tombe amoureux. Le donjuanisme n'est plus affaire de collection mais de partage...

Note de l'auteur

Au début, il y a un constat tout bête : comment peut-on passer notre temps à aller voir au cinéma des héros dont l'intégrité ne rivalise qu'avec !e courage et la générosité, et rêver en même temps d'un placement à 6% ? Je ne m'attends pas à ce que tout le monde soit Robin des Bois, ça a l'air difficile, mais de là à faire des saloperies parce que si c'est pas moi, c'est un autre qui en profitera, il y a un monde qu'aussi naïvement que sincèrement je ne comprends pas. Alors je m'agite, je bouge les bras, je dis : soyons exigeant, quoi, les gars ! Pas de résignation face à la pensée unique. Tchékov disait : le talent, c'est l'audace d'être différent. Alors ne nous privons pas pour si peu : soyons talentueux!

La mise en scène

En dehors du bien compréhensible lit donjuanesque, le plateau est vide. D'abord parce qu'on préfère regarder des comédiens que des décors, que pendant les combats, on plonge, on bondit, on tournoie et qu'enfin, une épée d'un mètre dix prolonge notre bras... de toutes façons, notre but est d'aller jouer partout et n'importe où, donc il faut pas s'encombrer. Comme, ne nous le cachons pas, le thème de l'identification à l'héroïsme cinématographique est prépondérant, nous avons axé sur un certain aspect spectaculaire de la mise en scène. Des costumes, fidèles à l'imagination qu'on se fait du XVIIème siècle, nous font croire que nous sommes au temps des mousquetaires, des combats en cascade, c'est le mot, nous font croire que nous sommes dans un film d'action... Mais foin de trop faire croire, duper n'est pas jouer, les comédiens entretiennent savamment le phénomène de distanciation pour rappeler l'illusion de cette vie haletante qu'on nous montre en spectacle, et puis pour rire, aussi, un peu, puisque, fidèle à Brecht qui disait : "un théâtre où l'on ne rit pas est un théâtre dont on doit rire" ; nous nous efforçons de traiter des sujets existentiels et politiques qui pourraient être pris au sérieux (si, si, cela s'est vu) de manière divertissante et ludique, si bien qu'un éminent professeur de philosophie de l'université de Pretoria a qualifié un de nos spectacles d'un : "je ne sais pas si c'est profond, mais je me suis bien marré !"

Ce que nous ont écrit des journalistes

Les trois coups

Vendredi 17 juillet 2009
« La Botte secrète de Dom Juan »,
de Grégory Bron (critique d’Olivier Pansieri),
Off du Festival d’Avignon 2009,
Théâtre Notre-Dame à Avignon
Vous en rêviez, Afag l’a fait Afag, c’est le nom de la compagnie, qui veut dire Au fond à gauche. Avec un nom pareil, on se doute que ces gens-là préfèrent les Pieds nickelés à Heiner Müller. C’est la deuxième année qu’ils cassent la baraque avec leur « Botte secrète de Dom Juan », pastiche en alexandrins des romans de cape et d’épée ainsi que des « classiques rasoirs », le tout mitonné par Grégory Bron. Ce doux géant y tient en outre le rôle de Léonard, héros positif et barbu. C’est au Théâtre Notre-Dame (Lucernaire Avignon), dont les vieilles pierres résonnent du fracas des combats, de la fine verve des répliques et des éclats de rire. Que demande le peuple ? Mais ça, justement ! On l’aura compris, la mission de cette troupe : nous faire rire. Notamment de ces matinées dites « classiques » où tant d’entre nous bâillaient aux Corneille. Mais aussi des préjugés et des hiérarchies qui perdurent aussi au théâtre, quoi qu’on dise. Voyez ces échanges d’amabilité entre premiers et seconds rôles, In et Off, arrivés et arrivants. Le ton est donné dès le départ. Entre deux cabrioles et trois cascades, les spadassins discutent entre eux du montant de leur cachet, la jeune première se plaint de ce rôle de cruche qu’on lui donne toujours, la soubrette ne voit pas pourquoi ce serait toujours les hommes qui ferrailleraient au premier plan tandis que les femmes minaudent au fond… et ainsi de suite. Le tout, rappelons-le, en vers de douze pieds… de nez, bien sûr ! « la Botte secrète de Dom Juan » Grégory Bron obtient ainsi un effet « Café de la gare », mais aussi Cyrano qui accompagne tout du long cette pochade héroïque. Le sommet est atteint avec l’intervention d’un spectateur qui, lui, parle en prose et touche par sa maladresse. Excellente composition de Vincent Dubos dans ce baron tendre et ahuri. Le texte flirte alors avec la métaphysique souriante d’un Tardieu ou d’un Dubillard. Je pense au très joli passage où donc ce touriste en tee-shirt s’essaie aux alexandrins, puis à l’escrime sous les yeux médusés des bretteurs. Signalons à ce propos que les combats sont réglés au petit poil, toujours par Grégory Bron. On y croit, si j’ose dire, dur comme fer ! Au fait, comment désigne-t-on un « duel » dont les combattants sont quatre, voire cinq ? Côté psychologique, peu de détours. Le héros trousse gaillardement le moindre jupon qui passe, verbalement surtout. La troupe n’a pas les moyens de se payer des figurantes pour pareille bagatelle ! C’est Virginie Rodriguez (Léonie) qui s’y colle en faisant virevolter sa jupe et pigeonner son décolleté. Un beau brin de fille doublé d’une actrice et d’une acrobate accomplies. Élodie Bernardeau (Florence) assure le service « romantisme et clichés » avec charme et drôlerie. Elle est à la fois Chimène, Angélique et Claire Brétécher. On entend fuser des rires féminins presque à chacune de ses répliques. En face, Jean-Baptiste Guintrand incarne l’exécrable Mondragon, frère jumeau du Valombreuse de Capitaine Fracasse. Simon-Pierre Boireau et Benjamin Dubayle forment quant à eux un tandem hilarant d’intermittents de la rapière. Deux méchants « impayables ». Entre Rostand, Théophile Gauthier et Romain Bouteille, les vers de mirliton de cette Botte secrète sont, on le voit, en bonne compagnie. Ils donnent à l’ensemble ironie et tenue. L’excellent jeu de tous fait le reste. Les spectateurs ne s’y trompent pas. La salle, bourrée à craquer, fait un véritable triomphe à ce spectacle enthousiasmant. Olivier Pansieri Les Trois Coups http://www.lestroiscoups.com/article-33938163.html




Pariscope

La Botte Secrète De Dom Juan
La critique de la rédaction
« La botte secrète de Dom Juan » ne se raconte pas ! D’abord parce qu’une botte doit rester secrète et que toute personne qui la voit doit mourir sur le champ ! Ensuite parce que le spectacle possède ce que l’on appelle un coup de théâtre. Et que, foi de critique, ce dernier est très réussi ! Grégory Bron, l’auteur de cette pièce, revisite joyeusement le théâtre classique avec ce spectacle de cape et d’épée. C’est une intrigue amoureuse avec un jeune premier (Grégory Bron), une jeune première (Charlotte Rondelez), une soubrette (Claudia Fleissig), un méchant (Jean-Baptiste Guintrand), des seconds rôles (Benjamin Dubayle et Simon-Pierre Boireau) et un personnage mystérieux (Vincent Dubos). C’est écrit en alexandrins et certains vers méritent d’être dégustés. D’autres ne sont pas piqués des vers, comme « Une insulte, une menac’, même un tric un peu naze… ». On fait rimer fouille avec nouilles. Et comme répond un des gardes à l’autre qui s’exclame : « Mais pourquoi il dit ça ? – C’est pour pas êtr’vulgaire, et comm’ les rimes en ouille, c’est pas facile à faire ! » Il y a du théâtre dans le théâtre, ce qui implique de joyeuses libertés avec les codes. Cela a le dynamisme du théâtre de Tréteaux. On applaudit chaleureusement le travail de la compagnie Afag Théâtre, tant sa qualité est remarquable. Les adultes s’amusent, les adolescents « kiffent grave », les gamins s’esclaffent. Et ça fait un bien fou ! Marie-Céline Nivière http://spectacles.premiere.fr/pariscope/Theatre/Salle-de-Spectacle/Spectacle/La-Botte-Secrete-De-Dom-Juan3/(affichage)/press





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" capédédiou, ma caillou ! " ...
Tous les amoureux de Féval et Dumas vont adorer ce texte écrit en alexandrins, " si vous plèt " comme on dit dans le Sud-Ouest car encore plus que Dom Juan, il y a du D'Artagnan dans cette pièce là ... Certes, Léonard avec sa face embroussaillée ressemble quelque peu à un homme des bois, on l'imagine troussant allègrement les soubrettes mais quand sa main rencontre une épée, c'est le noble chevalier qui apparaît, grand coeur, et bras vaillant ! Le mollet est vif, le geste précis et puis ... il y a la fameuse botte secrète que nous, public attentif, attendons impatiemment. En dépit des sbires et des reîtres, et même d'un Tancrède de Mondragon qui n'est pas à une traîtrise près ... nous suivons haletants les péripéties et les plus jeunes ne sont pas les derniers à s'esclaffer de joie. Leurs rires spontanés font plaisir à entendre. Passés de mode, les vers à 12 pieds ? Allons donc ! en voici la preuve, et il n'est pas exclu qu'un spectateur peu rompu à cette discipline, porté par l'enthousiasme ne s'y mette aussi. Les dames sont belles et courtisées, très sportives également. Bref, c'est à une parenthèse épique que vous êtes invités en ce siècle où le panache semblait pourtant oublié. Que nenni ! puisque nous répondons " présent " Les duels sont remarquablement mis au point, l'interprétation dans son ensemble d'une belle qualité. Ah ! cela fait du bien ... Tenez, pour peu, si leur engagement à tous n'était aussi physique, on crierait volontiers " bis. " Simone Alexandre http://www.theatrauteurs.com/archive/2010/02/14/la-botte-secrete-de-dom-juan.html